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Commenter l'actualité politique gabonaise

18 Mar

Ndongou au CNC : L’oraison funèbre des journalistes

Ndongou au CNC : L’oraison funèbre des journalistes

Jean-François Ndongou a été porté à la tête du Conseil National de la Communication au cours du dernier conseil des ministres, remplaçant ainsi Guy-Bertrand Mapangou, son successeur au ministère de l’Intérieur, et suscitant surtout une grande crainte pour l’avenir du secteur de la communication qui pourrait subir les affres du pouvoir puisque personne n’a oublié que c’est ce Jean-François Ndongou qui a rendu possible la manipulation des résultats des présidentielles en faveur d’Ali Bongo Ondimba en 2009.

L’ensemble des hommes et femmes des médias ont spéculé longtemps autour de la succession de Guy Bertrand Mapangou. Raymond Ndong Sima apparaissait comme le meilleur candidat. Sa tempérance et sa haute idée du consensus auraient permis d’avoir un CNC, à l’approche de 2016, moins partisan. D’autres ont pensé qu’il était temps pour le conseiller membre Godel Inanga de prendre enfin le relais, ses réflexes de journaliste auraient peut-être joué en la faveur de la corporation. Monique Koumba et Monique Oyane, deux femmes dont le professionnalisme a traversé les décennies étaient aussi parfaitement éligibles. Monique Koumba étant considérée comme une récalcitrante qui tient trop à sa liberté a été écartée alors que Monique Oyane n’a pas été retenue pour quelques uns de ses égarements. Et finalement, c’est Jean-François Ndongou, qui avait déjà une mauvaise relation avec la presse, qui a été choisi en lieu et place de Guy Bertrand Mapangou, démissionnaire selon le conseil des ministres.

Affecté au ministère de l’intérieur en 2009, à la veille de la présidentielle de cette année, Jean-François Ndongou remplaçait à ce poste le très charismatique André Mba Obame. Un parachutage pour certains, une récompense pour d’autres. L’homme apparaissait pourtant inexpérimenté et fébrile. Devenu le premier policier du pays, il allait s’affirmer mettant à mal la démocratie et l’opposition politique, organisant en même temps les victoires du Parti Démocratique Gabonais, dont il est militant, aux différentes échéances d’août 2009, de décembre 2011 et de décembre 2013.

Jean-François Ndongou, le « poulain » de Louis-Gaston Mayila, est devenu au fil des quatre années écoulées un incontournable du régime d’Ali Bongo Ondimba. Accusé d’avoir légalisé le séjour de 59.000 étrangers, il aurait surtout contribué à donner la nationalité à des milliers de Béninois, Nigérians, Camerounais ou Sénégalais, avec la bénédiction de la présidence de la République.

L’homme qui ne se passe pas de faire des fautes dans ses discours non écrits a pris des muscles et sa nomination au Conseil National de la Communication témoigne de la confiance qui est faite au serviteur doux et obéissant qu’il est.

Pour la presse, la vraie, celle qui défend les libertés, c’est un message clair et précis qu’Ali Bongo Ondimba et sa « légion étrangère » envoient au 4ième pouvoir déjà mis à mal par la misère dans laquelle vit l’essentiel des professionnels et praticiens de la communication. L’arrivée d’Ali Bongo Ondimba au pouvoir sonne encore aujourd’hui comme une offense à la démocratie. Mal élu, il n’a ménagé aucun effort pour renforcer ses pouvoirs et les prérogatives de l’institution qu’il dirige avec « ses » amis. Pour seul exemple, la révision de la constitution intervenue en 2011, un scandale démocratique dont il ne s’est point ému. La nomination de son lieutenant, le fils de Mandji, à la haute fonction de « gardien de la liberté de la presse », est parfaitement logique de sa démarche dans la confiscation des libertés fondamentales.

Jean-François Ndongou est un vrai flic. Un homme qui applique sans poser de question. L’essentiel étant que les ordres du Bord de Mer soient respectés. Ainsi donc, l’on peut bien imaginer ce que sera le CNC avec l’ancien « premier policier » du pays quand on sait de quelle façon il a utilisé les forces publiques, et notamment la Police Nationale, pour mâter les travailleurs mécontents, frapper les étudiants désabusés, arrêtés les citoyens en colère, pourchasser les opposants au régime tout en oubliant l’essentiel pour un ministre de l’intérieur qui est de protéger les civils, combattre l’insécurité, maintenir l’ordre, organiser de façon « équitable » les élections, entre autres.

Les médias de la presse classés dans l’opposition savent donc que la chicote n’est pas loin. La guerre des mots qui précèdent les échéances importantes telles que celle de 2016 n’aura peut-être pas lieu car il faut craindre, avec justesse, que tout propos à l’encontre d’Ali Bongo Ondimba, de Maixent Accrombessi et des autres « tortionnaires » de la Républiquette du Gabon, soit censuré et sanctionné de la façon la plus vigoureuse. Les suspensions tous azimuts et les rappels à l’ordre comme au temps d’Emmanuel « La Méthode », qui eut pour principale victime TV+, ne vont pas tarder. Ezombolo, Le Temps, Le Verbe de Ngomo, Echos du Nord, Gabonreview ou Faits divers qui sont parmi les médias de la presse privée savent que les mois à venir vont être difficiles. Un véritable massacre qui n’épargnera que ceux qui sont prêts à se prosterner, à abandonner le noble combat de la justice et de la liberté.

Si l’opposition se prépare déjà pour 2016 en renforçant ses rangs, Ali Bongo Ondimba qui laisse apparemment trop de plumes sur son passage lui aussi se prépare à la reconquête du pouvoir. Il met donc toutes les chances de son côté en confiant les institutions qui joueront un rôle majeur à des proches ou en confirmant ceux qui sont déjà en poste tels que les indéboulonnables Guy Nzouba Ndama et Marie-Madeleine Mbourantsouo en attendant de placer un autre pion à la tête du Sénat.

Jean-François Ndongou c’est ce qu’il a à faire. Les médias pro gouvernementaux tels que L’Union, Gabon Télévision ou Gabon Matin connaissent parfaitement les chemins qui sont les leurs, chacun avançant au rythme que leur impose leurs managers pro Ali Bongo Ondimba. Les médias classés dans l’opposition doivent commencer à craindre que leurs subventions soient suspendus et que leurs droits de paraître leur soient confisqués à chaque fois qu’un titre évoquera les viles facettes du pouvoir en place.

C’est ce mardi à 15h que Jean_François Ndongou a reçu des mains de son prédécesseur, Guy Bertrand Mapangou, apprécié de la corporation notamment pour son discours franc et contestataire lors des Vœux au PR, les différents dossiers qu’il devra gérer. Le début d’une « oraison funèbre » pour les hommes et les femmes de presse. La liberté de la presse a vécu et Jean-François est arrivé.

Samuel de Lekeï

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